Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/269

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pour qu’il n’arrive pas ; une opération si lointaine, si délicate, si minutieuse, ne va point sans un nombre incalculable de risques ; Renan, grand artiste, a évidemment compté sur la sourde impression que l’attente et l’escompte de tous ces risques produiraient dans l’esprit du lecteur ; lui-même il envisage complaisamment ces risques ; ils atténuent, par un secret espoir de libération, de risque, d’aventure, et, qui sait, de cassure, disons le mot, de ratage, cette impression de servitude mortelle et d’achèvement clos ; ils effacent peut-être cette impression de servitude ; et quand même ils effaceraient cette impression glaciale ; l’auteur sans doute s’en consolerait aisément ; il ne tient pas tant que cela aux impressions qu’il fait naître ; ces risques soulagent également le lecteur et l’auteur ; par eux-mêmes Renan n’est point engagé au delà des convenances intellectuelles et morales ; lui-même les envisage complaisamment ; dans cette institution de la Terreur intellectuelle que nous avons passée, la remettant à plus tard, « mais ne pensez-vous pas, » dit Eudoxe :

« Mais ne pensez-vous pas que le peuple, qui sentira grandir son maître, devinera le danger et se mettra en garde ?

Théoctiste.

« Assurément. Si l’ordre d’idées que nous venons de suivre arrive à quelque réalité, il y aura contre la science, surtout contre la physiologie et la chimie, des persécutions auprès desquelles celles de l’inquisition auront été modérées. La foule des simples gens devinera son ennemi avec un instinct profond. La science se