Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à l’histoire, elles nous dissimulent tout ce qu’elles contiennent et admettent de surhumanité.

Ce dernier mot de la pensée moderne en tout ce qui tient à l’histoire, je sais qu’il n’est aujourd’hui aucun de nos historiens professionnels qui ne le désavouera ; et comment ne le renieraient-ils point ; nous sommes aujourd’hui situés à distance du commencement ; nous avons reçu des avertissements que nos anciens ne recevaient pas ; ou sur qui leur attention n’avait pas été attirée autant que la nôtre ; nous avons reçu du travail même et de la réalité de rudes avertissements ; du travail même nous avons reçu cet avertissement que le détail, au contraire, est au fond le grand ennemi, que ni l’indéfinité, l’infinité du détail antérieur, ni l’indéfinité, l’infinité du détail intérieur, ni l’indéfinité, l’infinité du détail de création ne se peut épuiser ; et de la réalité nous avons reçu ce rude avertissement que l’historien ne tient pas encore l’humanité ; qui soutiendrait aujourd’hui que le monde moderne est le dernier monde, le meilleur, qui au contraire soutiendrait qu’il est le plus mauvais ; s’il est le meilleur ou le pire, nous n’en savons rien ; les optimistes n’en savent rien ; les pessimistes n’en savent rien ; et les autres non plus ; qui avancerait aujourd’hui que l’humanité moderne est la dernière humanité, la meilleure, ou la plus mauvaise ; les pessimismes aujourd’hui nous paraissent aussi vains que les optimismes, parce que les pessimismes sont des arrêts comme les optimismes, et que c’est l’arrêt même qui nous paraît vain ; qui aujourd’hui se flatterait d’arrêter l’humanité, ou dans le bon, ou dans le mauvais sens, pour une halte de béati-