Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/315

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une mélodie, vers qui gueulent, vers qui déclament, vers qui hurlent, comme une chanson de route, comme une chanson de soldats ; je dirai plus : comme une chanson à soldats, ce qui est bon, pour un pacifiste en pied ; comme une chanson d’artilleurs à pied, qui au premier tiers de l’étape, font sonner le sol dur de la route, scandant de leurs lourdes bottes un refrain malencontreux.

Singulier Hugo. Singulier comme ce peuple, dans ce peuple, qu’il représente éminemment. Pair de France. Vieux malin. La gloire de Notre-Dame, dans son œuvre, ce n’est pas seulement, ce n’est pas tant ce poème et ce roman, ce poème en prose en forme de roman de sa demi-jeunesse, que la persistance perpétuelle, que l’éternelle présence, dans toute cette œuvre, de ces deux tours dressées, du monument debout. Dans toute son œuvre, dans son imagination, dans sa vision perpétuelle, dans sa création même. Dans sa perpétuelle vision de Paris, de son Paris toujours présent. Dans toute son œuvre, jusqu’à la fin, jusqu’aux dernières œuvres, jusqu’à ces Châtiments, la plus ardente de ses œuvres, la plus grande peut-être et la plus forte, peut-être la seule sincère, absolument. Pour moi la gloire de Notre-Dame et la gloire de Hugo est beaucoup moins dans ce roman de demi-jeunesse en prose que dans la présence éternelle, apparente ou sous-entendue, réapparaissant brusquement, dans la réapparition brusque, dans l’inattendu profilement, dans la soudaine apparition des deux tours jumelles dans des poèmes comme ceux-ci, dans des œuvres où elles n’étaient point indiquées, si elles n’avaient pas été présentes éternellement ;