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Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/323

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militaires, et bien utiles pour ces sortes de cérémonies. Les militaires, qui lui firent de si belles funérailles, par ordre, il est vrai, mais enfin il fallait qu’il y en eût pour qu’on leur donnât cet ordre, pour que le gouvernement de la République les fît marcher, — et d’ailleurs, ils ne demandaient pas mieux que de marcher, parce qu’ils ne demandent qu’à faire des parades, — les cuirassiers, qui l’avaient veillé si théâtralement sous ce même Arc-de-Triomphe, avec des torches, lui servaient à deux fins. Comme simples militaires, comme soldats, commandés de service, en grande tenue de service, ils servaient à lui faire, pour ses enterrements, des parades militaires comme on n’en avait jamais vu dans aucun pays monarchique ; et au contraire, comme têtes de Turcs, ils ne lui avaient pas moins servi, lui ayant servi à se tailler une de ces popularités comme les seuls pacifistes peuvent en espérer une, à présent que la guerre, qui était l’industrie nationale de la Prusse, est devenue l’industrie nationale de presque tous les peuples.

Admirable utilisation double de la guerre par un pacifiste. J’entends par un pacifiste professionnel, et comme tel glorieux. Ces mêmes canons, qui font tant de bruit quand ils roulent sur le pavé de nos rues, ces mêmes batteries, ces mêmes régiments, ces mêmes chevaux, qui directement lui servaient à lui faire des cortèges, à lui organiser de somptueux défilés, contrairement, comme les objets de ses malédictions éloquentes, lui avaient déjà servi un nombre incalculable de fois.

D’une part ils avaient servi à lui faire des antithèses ; de l’autre part ils servaient à lui faire des défilés.