Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/331

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En même temps le peuple veut rêver de guerres ; il se délecte autant que jamais aux narrations des guerres passées ; il aime autant que jamais les guerres, pourvu qu’elles soient faites par d’autres, par d’autres peuples ; rappelez-vous seulement comme, il y a seulement quelques semaines, le peuple dévorait dans les journaux les récits de la guerre asiatique. Le peuple est beaucoup plus lâche qu’autrefois, pour faire la guerre. Mais il est toujours aussi violent, qu’autrefois. Il aime toujours autant la guerre. Tout ce qu’il demande, c’est que son précieux épiderme reste en dehors du débat. Il demande seulement que ce soient d’autres qui la fassent, qui la lui fassent pour son amusement de chaque jour. Et tout ce qu’il a retenu de la lutte de classe, à lui infatigablement enseignée par les intellectuels du socialisme, c’est que c’était, ou que ce serait une guerre, plus précisément une guerre militaire.

Pour qui veut se représenter les récentes aventures du socialisme réellement, sans illusion, il est évident que tout ce que le peuple a retenu de l’ancienne lutte de la classe intellectuelle, c’est que ce serait une guerre, militaire.

De ce qu’ils n’aiment point, ou de ce qu’ils n’aiment plus, à faire la guerre, de ce qu’ils ne veulent plus faire la guerre, il ne faut point se hâter de conclure qu’ils n’aiment plus la guerre. Ce serait témérité. Ils n’aiment rien tant que la guerre, aujourd’hui autant que jamais, pourvu que ce soient d’autres qui la fassent. Et autrefois, quand on aimait la guerre, on la faisait soi-même.

Il y a là une hypocrisie pacifiste parfaitement insupportable. On maudit la guerre ouvertement, formellement, officiellement, pour se donner du mérite et de la