Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/343

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Et j’accusais mon âge : — « Ah ! dans une ombre obscure,
« Grandir, vivre ! laisser refroidir sans murmure
« Tout ce sang jeune et pur, bouillant chez mes pareils,
« Qui dans un noir combat, sur l’acier d’une armure,
« Coulerait à flots si vermeils ! »

Et j’invoquais la guerre, aux scènes effrayantes ;
Je voyais, en espoir, dans les plaines bruyantes,
Avec mille rumeurs d’hommes et de chevaux,
Secouant à la fois leurs ailes foudroyantes,
L’un sur l’autre à grands cris fondre deux camps rivaux.

J’entendais le son clair des tremblantes cymbales,
Le roulement des chars, le sifflement des balles,
Et, de monceaux de morts semant leurs pas sanglants,
Je voyais se heurter, au loin, par intervalles,
Les escadrons étincelants !

II

Avec nos camps vainqueurs, dans l’Europe asservie
J’errai, je parcourus la terre avant la vie ;
Et, tout enfant encor,…

Là, je voyais les feux des haltes militaires
Noircir les murs croulants des villes solitaires ;
La tente, de l’église envahissait le seuil ;
Les rires des soldats, dans les saints monastères,
Par l’écho répétés, semblaient des cris de deuil.

Quelle peine, hein ; quels travaux ; quel travail ; quels grincements de lime ; quelle recherche des mots, qui ne