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Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/426

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met daimones, avec un o bref, à cause de δαίμονες, c’est-à-dire que refusant de transcrire l’accusatif singulier morphologiquement distinct du nominatif singulier, il transcrit tout de même le nominatif pluriel morphologiquement distinct du nominatif singulier.

Cela est si vrai que Leconte de Lisle, pour son usage personnel, pour ses propres poèmes, savait parfaitement quand il fallait traduire, et non pas simplement transcrire. Poèmes antiques. Vénus de Milo :

Tu n’es pas Aphrodite, au bercement de l’onde,…

Tu n’es pas Kythérée, en ta pose assouplie,…

Et tu n’es pas la Muse aux lèvres éloquentes,…

La difficulté, le débat, la question, l’apparence de question, la solution spécieuse est venue précisément des dieux. Il est tout à fait évident, il est acquis, et nul aujourd’hui ne le conteste, que lorsqu’on traduisait Ζεύς par Jupiter, on faisait un grossier contre-sens, parce que Ζεύς et Jupiter, le dieu grec et le dieu latin, n’étaient nullement le même dieu, faisaient deux personnages différents, notablement distincts. De même il y avait danger à traduire Ἡρακλῆς par Hercule. Mais le contresens ne venait pas de ce que l’on s’était proposé de traduire le nom grec en français. Il venait uniquement de ce que s’imaginant traduire le nom grec en français, on l’avait traduit en latin. Et la rectification que l’on a faite ne prouve nullement qu’il ne faut point, dans les versions grecques, traduire les noms propres du grec en français. Elle prouve uniquement qu’il ne faut pas, sous prétexte de français, les traduire en latin.