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DE JEAN COSTE

Ce qui fait que je n’avais pas de la joie de ce que les gendarmes embarquaient les sœurs en troisième, c’est que j’avais reçu un peu avant le commencement des vacances la lettre suivante :

Montée de Charente
22 juillet 1902
Monsieur Charles Péguy,
gérant des Cahiers de la Quinzaine
8, rue de la Sorbonne, Paris
Monsieur

Mon mari fait depuis quelque temps partie de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, et nous lisons les Cahiers de la Quinzaine, qu’un autre membre de la ligue veut bien nous passer obligeamment.

J’ai pensé que, étant donnée l’importance de la publication dont vous êtes gérant, vous devez être en relation avec beaucoup d’hommes de lettres, de journalistes, d’éditeurs, de libraires. L’esprit démocratique qui anime les articles des cahiers me donne bonne idée de la fraternité qui doit unir les auteurs et les lecteurs ; c’est pourquoi je me permets de vous demander un service.

Nous sommes de très pauvres gens. Mon mari est employé de perception aux appointements de 60 francs par mois ; je gagne 80 francs comme institutrice publique. Nous sommes mariés depuis trente-trois mois et j’aurai dans un mois et demi mon troisième bébé.

Tant de besoins et de si maigres ressources vous laissent