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Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/468

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silence n’a duré que quelques jours, mais pendant les quelques jours qu’il a duré, nous étions autant ignorants de ce qui se passait dans ces pays que nos pères l’étaient au temps de la Horde d’Or, et plus ignorants qu’ils ne l’étaient par le ministère des croisades. Et aujourd’hui même que les communications ont été rétablies partiellement, aujourd’hui que des courriers de voitures et de trains de chemins de fer ont partiellement remplacé le télégraphe de Saint-Pétersbourg à Eydtkuhnen, ce que nous apprenons, c’est que pour les Russes mêmes, pour la capitale officielle de la Russie, des provinces entières, des provinces considérables, des provinces plus grandes que cette France même et que l’autre Allemagne sont depuis plusieurs mois ensevelies dans un total silence. Comme les psychologues ont raison de nous dire que nous entendons le silence : nous avons encore dans les oreilles la mémoire et le son de ce silence-là. Et nous l’avons entendu aussi comme un avertissement.]

Porché me pardonnera : je n’ai pas pu résister au désir enfantin de mettre du grec dans ce cahier. J’ai voulu me payer de corriger des épreuves de grec. Je me suis bien rendu compte que sans ce coup de force cela ne me serait jamais donné sans doute. J’ai voulu copier du grec pour les imprimeurs. Le poète de à chaque jour comprendra mieux que personne ce sentiment qui dans les difficultés de l’action d’un certain âge, dans les labeurs de la maturité, nous pousse à revivre artificiellement certains des anciens jours, quelques-uns des