Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/135

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lecture généralement stupéfaits. Ils ne soupçonnaient point qui nous étions. Et surtout ils ne soupçonnaient point que nous l’étions dès le principe. Que nous l’avions été depuis si longtemps, depuis le principe. Ils ne soupçonnaient point cette longue, cette initiale, cette impeccable fidélité. Cette fidélité de toute une vie. Notamment, éminemment ils ne soupçonnaient point ce que c’était qu’un homme comme Bernard-Lazare.

Il faut penser que dans ce dossier, dans cette consultation, qu’il faut lire, qui n’est pas seulement un admirable monument mais un monument inoubliable, Bernard-Lazare s’opposait de tout ce qu’il avait encore de force à la dégénération, à la déviation du dreyfusisme en politique, en démagogie combiste. Que ceux qui ont succombé, qui ont cédé, si peu que ce fut, à la pire de toutes les démagogies, à la démagogie combiste, fassent des apologies, ou qu’on en fasse pour eux. Mais pour ceux qui ont été inébranlables, pour ceux qui n’ont pas cédé d’une ligne, de grâce, que l’on n’en fasse point. Quand on relit cet admirable mémoire de Bernard-Lazare, on est comme choqué, il vient une rougeur à cette idée seulement que l’idée viendrait qu’un tel homme fût englobé, pût être englobé inconsidérément par des tiers, par le public, par les ignorants, dans les graciés, dans les bénéficiaires d’une apologie.

Opérant, travaillant la même matière, évoluant dans la même matière il y a eu au moins deux affaires Dreyfus, élaborant la matière de la même histoire. Celle de Bernard-Lazare, la nôtre, était innocente et n’a pas besoin d’être défendue. Et en un autre sens encore il y avait très notamment deux affaires Dreyfus, celle qui était sortie de Bernard-Lazare, et celle qui était