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Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/138

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l’État, s’il est permis de mettre ces deux mots ensemble, Bernard-Lazare avait jugé naturellement qu’il fallait acquitter la parole de la République. Il avait jugé qu’il fallait que la République tînt sa parole. Il avait jugé qu’il fallait appliquer, interpréter la loi comme le gouvernement, les deux Chambres, l’État enfin avaient promis de la faire appliquer, s’étaient engagés à l’appliquer, à l’interpréter eux-mêmes. Avaient promis qu’on l’appliquerait. Cela était pour lui l’évidence même. La Cour de Cassation, naturellement aussi, n’hésita point à se ranger à l’avis (de ces messieurs) du gouvernement. Je veux dire du deuxième gouvernement. Un ami (comme on dit) vint lui dire, triomphant : Vous voyez, mon cher ami, la Cour de Cassation a jugé contre vous. Les dreyfusards devenus combistes crevaient déjà d’orgueil, et de faire les malins, et de la pourriture politicienne. Il faut avoir vu alors son œil pétillant de malice, mais douce, et de renseignement. Qui n’a pas vu son œil noir n’a rien vu, son œil de myope ; et le pli de sa lèvre. Un peu grasse. — Mon cher ami, répondit-il doucement, vous vous trompez. C’est moi qui ai jugé autrement que la Cour de Cassation. L’idée qu’on pouvait un instant lui comparer, à lui Bernard-Lazare, la Cour de Cassation, toutes chambres éployées, lui paraissait bouffonne. Comme l’autre était tout de même un peu suffoqué. — Mais, mon garçon, lui dit-il très doucement, la Cour de Cassation, c’est des hommes. Il avait l’air souverain de parler très doucement, très délicatement comme à un petit imbécile d’élève. Qui n’aurait pas compris. Pensez que c’était le temps où tout dreyfusard politicien cousinait avec la Cour de Cassation, disait la Cour de Cassation en gon-