Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment couché sous la tente, sous des vraies tentes, combien de fois n’ai-je point pensé à vous, Lévy, qui n’avez jamais couché sous une tente, autrement que dans la Bible, au bout de quelques heures ces tentes du camp de Cercottes étaient déjà nos maisons. Que vos pavillons sont beaux, ô Jacob ; que vos tentes sont belles, ô Israël. Combien de fois n’y ai-je point pensé, combien de fois n’ai-je point pensé à vous, combien de fois ces mots ne me remontaient-ils pas sourdement comme une remontée d’une gloire de cinquante siècles, comme une grande joie secrète de gloire, dont j’éclatais sourdement par un ressouvenir sacré quand nous rentrions au camp, mon cher Claude, par ces dures nuits de mai. Peuple pour qui la pierre des maisons sera toujours la toile des tentes. Et pour nous au contraire c’est la toile des tentes qui était déjà, qui sera toujours la pierre de nos maisons. Non seulement il n’avait donc pas eu pour le métropolitain cette aversion, cette distance qu’au fond nous lui gardons toujours, même quand il nous rend les plus grands services, parce qu’il nous transporte trop vite, et au fond qu’il nous rend trop de services, mais au contraire il avait pour lui une affection propre toute orgueilleuse, comme un orgueil d’auteur. On le perçait alors, la ligne numéro 1 seulement je crois, était en exploitation. Il avait un orgueil local, un orgueil de quartier, qu’il eût abouti, déjà, jusqu’à lui, un des premiers, qu’il eût percé jusqu’à lui, qu’il eût commencé à monter vers ces hauteurs. Il me l’avait dit, quelques mois auparavant, quand on avait essayé de l’envoyer, comme tout le monde, vers les réparations du Midi. Il était allé d’hôtel en hôtel. Il était heureux comme un enfant. Jusqu’à ce qu’il trouva une espèce de petite