Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/161

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nous l’avons retrouvé aisément, combien rapidement nous nous y sommes retrouvés chez nous. Mais ce qui est incontestable c’est que cette courbe, dans ces soubresauts, à l’issue de cette montée atteignit plusieurs fois un maximum qui était même un universum. Je veux dire que dans ces fluctuations, dans ces agitations, dans cette crise, dans ces sautes, dans ces coups de force et dans ces coups de théâtre il y eut au moins deux ou trois fois quarante-huit heures où tout le pays (nos adversaires mêmes et je dis même leurs chefs) crut à l’innocence de Dreyfus. Par exemple, notamment dans ce coup de foudre, instantanément après ce coup de théâtre du colonel Henry au Mont-Valérien (mort ou simulation de mort, assassinat, meurtre, suicide ou simulation de suicide). (Enfin disparition). Comment nous sommes retombés, redescendus de ce summum, qui ce jour, qui dans cet éclair paraissait définitivement acquis, comment on nous en a fait redescendre, comment on a ainsi, autant réussi à faire redescendre cette courbe, c’est le secret des politiciens. C’est le secret des politiques. C’est le secret de la politique même. C’est le secret de Dreyfus même, dans la mesure, et elle est totale, où nous quittant il s’est remis tout entier aux mains des politiques. Comment on a réussi à tenir cette gageure, à nous faire tomber de ce maximum total, c’est la grande habileté, c’est le secret des politiciens. Comment on perd une bataille qui était gagnée, demandez-le à Jaurès. Aujourd’hui nous sommes condamnés à la contestation, perpétuelle, jusqu’à cet émoussement, cette hébétude, cette oblitération, inévitable, qui vient du temps, des générations suivantes, qu’on nomme proprement l’histoire, la posi-