Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/193

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n’était pas nous. Autant que je me rappelle. Nous nous prétendions qu’il n’était pas un traître. Les uns et les autres, autant qu’il me souvienne, nous avions un postulat commun, un lieu commun, c’est ce qui faisait notre dignité, commune, c’est ce qui faisait la dignité de toute cette bataille, c’est ce qui fit bientôt notre force, et cette proposition commune initiale, qui allait de soi, sur laquelle on ne discutait même pas, sur laquelle tout le monde était, tombait d’accord, dont on ne parlait même pas, tant elle allait de soi, qui était sous-entendue partout, qu’on a honte à dire, tant elle allait de soi, c’était qu’il ne fallait pas trahir, que la trahison, nommément la trahison militaire, était un crime monstrueux. Tout a changé de face, depuis que sur ces bords. Tout le mécanisme a été démonté, détourné, remonté à l’envers, depuis que Hervé est venu, de ce que Hervé est venu. Hervé est un homme qui dit au contraire.

Les antidreyfusistes et nous les dreyfusistes nous parlions le même langage. Nous parlions sur le même plan. Nous parlions exactement le même langage patriotique. Nous parlions sur le même plan patriotique. Nous avions les mêmes prémisses, le même postulat patriotique. Qu’en fait eux ou nous nous fussions les meilleurs patriotes, c’était précisément l’objet du débat, mais que ce fut l’objet du débat, c’est précisément ce qui prouve que les uns et les autres nous étions patriotes. Qu’en droit, en intention ce fut l’objet du débat. Nous autres, de ce côté-ci, nous ne l’étions pas seulement sincèrement, nous l’étions profondément d’abord, d’autant plus qu’on nous le contestait. Nous l’étions ensuite frénétiquement, peut-être avec une