Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/224

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le monde en est atteint. Les modernes mêmes en souffrent. Ceux qui s’en vantent, qui s’en glorifient, qui s’en réjouissent, en souffrent. Ceux qui l’aiment le mieux, aiment leur mal. Ceux mêmes que l’on croit qui n’en souffrent pas en souffrent. Ceux qui font les heureux sont aussi malheureux, plus malheureux que les autres, plus malheureux que nous. Dans le monde moderne, tout le monde souffre du mal moderne. Ceux qui font que ça leur profite sont aussi malheureux, plus malheureux que nous. Tout le monde est malheureux dans le monde moderne.

Les Juifs sont plus malheureux que les autres. Loin que le monde moderne les favorise particulièrement, leur soit particulièrement avantageux, leur ait fait un siècle de repos, une résidence de quiétude et de privilège, au contraire le monde moderne a ajouté sa dispersion propre moderne, sa dispersion intérieure, à leur dispersion séculaire, à leur dispersion ethnique, à leur antique dispersion. Le monde moderne a ajouté son trouble à leur trouble ; dans le monde moderne ils cumulent ; le monde moderne a ajouté sa misère à leur misère, sa détresse à leur antique détresse ; il a ajouté sa mortelle inquiétude, son inquiétude incurable à la mortelle, à l’inquiétude incurable de la race, à l’inquiétude propre, à l’antique, à l’éternelle inquiétude.

Il a ajouté l’inquiétude universelle à l’inquiétude propre.

Ainsi ils cumulent. Ils sont à l’intersection. Ils se