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Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/24

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style, veulent tout appauvrir et tout dépouiller, en conformité avec leur propre dénûment ; ils prétendent tout réduire au canon des formes vieillies et des âges passés. Nous voulons, au contraire, étendre toutes les conquêtes de la sensibilité, et, pour en faire entendre les accords nouveaux, n’en pas perdre un seul harmonique. Nous ne renierons pas nos richesses, sous une raison spécieuse de discipline. Quant à la règle, que chacun s’en donne une, la seule vraie, qui soit la sienne ; et tout sera bien réglé. En vers et en prose, Péguy avait découvert celle qui lui convenait : et qu’aurait-il fait d’une autre ?

Après tout, c’est elle, cette génération, qui a changé l’esprit public en France[1] : non point par les discours et les théories, mais par l’exemple : car l’exemple seul a de la force. D’ailleurs nul exemple sans un homme.

Les exemples vivants sont d'un autre pouvoir.

Sans être des athlètes, ni des maîtres à la boxe, nous avons été des hommes. Tous ceux qui en valent la peine, parmi nous, ont été avec force et vérité ce qu’ils sont et veulent être : vrais artistes ou vrais soldats, vrais philosophes et vrais fidèles, vrais héros de morale et vrais damnés, vrais fanatiques ou vrais hommes libres.

Nous avons vécu solitaires, pauvres, impatients de

  1. Je parle de ce qu'on appelle l’élite et de ceux qui aspirent à y être comptés. Pour le peuple, il n’est pas nécessaire qu’on le change : c'est assez qu’on ne le gâte pas. Son âme mérite seulement qu’on l’assure en elle-même, et elle ne demande qu’à être respectée.