Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/26

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tout en étant poète. Il est fortement orgueilleux, mais il l’est surtout d’être juste. Il a l’orgueil de croire que la justice a besoin de lui. En quoi, il ne se trompe point. Quelle louange !

Jeune homme, il part pour être tribun. Et, l’expérience de la vie aidant, il tourne peu à peu au directeur de conscience. Mais les individus le retiennent à contre-cœur. Il ne confesse volontiers que l’État et les partis.

Il a de fortes haines, qui naissent de forts principes. On n’a jamais été si peu douteur, même en doutant de soi. Il est maître d’école, plus que philosophe.

Il était né pour être la conscience de la République. Si Péguy eût été le chapelain laïc de Jaurès, on eût épargné, peut-être, dix ans de troubles et de malaise. Péguy s’est montré directeur admirable pour tout un parti, dans la grande affaire qui mit à l’épreuve les principes et les hommes de la République. Car le malheureux capitaine n’est rien, n’étant que l’occasion, le choc du caillou qui précipite l’énorme avalanche. Mais l’Affaire est le drame civil de toute une époque, comme la guerre d’Europe en est la tragédie universelle. Et un monde nouveau doit sortir de ces deux catastrophes.

Il se plaît aux formules : elles le contentaient. Elles