Aller au contenu

Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’homme qui est au bout des deux jambes, toute ma tenue, toute mon attitude, le courbement commençant de mes épaules, cette voûte commençante, l’inclinaison de la tête sur la nuque, les jours de fatigue, et déjà les autres jours, (car tous les jours sont déjà des jours de fatigue ; mais ce qu’il y a de bien, et de consolant, ce qu’il y a de merveilleux, c’est comme on en abat tout de même les jours de fatigue. Comme on en met par terre. Heureusement. L’homme est une bête, une mécanique d’une souplesse, d’une élasticité incroyable. Et on a l’impression que ça peut durer des années et des années, trente, quarante ans, que ça peut durer toujours. Je crois même que l’on ne fait rien de si neuf, de si frais que certains jours de fatigue. Et en outre je crois que je ne le dis pas, que je ne le pense pas pour me consoler. Mais parce que c’est vrai. On a l’impression que si on n’était pas fatigué, au moins d’une certaine fatigue, si on était totalement neuf, totalement frais, on n’irait pas même jusqu’au travail, pas même jusqu’au travail neuf, jusqu’au travail frais. Qui est le premier travail, la première zone, le commencement du travail. On resterait en deçà du travail, où c’est encore plus neuf, et encore plus frais. Il faut être un peu culotté pour travailler, même dans le neuf et dans le frais. On est fatigué en se levant, on se met fatigué à sa table de travail. Et puis un roulement s’établit. On ne travaille jamais si bien, le métier, le registre ne rend, ne joue jamais si bien que quand on a commencé un peu fatigué. Il y a comme un entraînement de la fatigue au travail, (de la journée), comme un réensemencement, pour le travail de la journée, de tout ce résidu de tout le travail antérieur, de toute la vie passée. (Qu’est, pour