Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/283

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sa table de travail. Je sens déjà mes épaules se courber. Je vois bien. Je vois que je ne finirai pas comme ces messieurs de la ville, qui se tiennent droit jusqu’au bout, debout jusqu’au bout, et même un peu plus droits quand ils sont vieux que quand ils sont jeunes. Je finirai comme le général ; vous savez bien, le célèbre général ; mais oui, le général qui passe ; enfin le général commandant le cinquante-cinquième corps d’armée ; v(oi)là le général qui passe ; tout cassé, tout bancal, tout bossu, tout malfichu. Je serai un vieux cassé, un vieux courbé, un vieux noueux. Je serai un vieux retors. Je serai peut-être un vieux battu (des événements de cette gueuse d’existence). Je serai un vieux rompu, un vieux tordu, un vieux moulu, un vieux tortu, toutes les rimes (populaires) en u, sauf deux (ou trois) dont l’une est que je ne serai certainement pas un vieux cossu. En quoi je me distinguerai de quelques fermiers de la Beauce. Et de quelques-uns, moins nombreux, du val de Loire. Qui ont plus d’écus au Comptoir d’Escompte que leurs aïeux n’en eurent jamais à quatre pieds de profondeur sous la cinquième dalle à gauche en partant du mur de refend qui jointe le bout de la cuisine et jouxte la belle chambre, la chambre à coucher, la chambre des maîtres. Je serai un vieux tassé, un vieux chenu. On dira : c’est le père Péguy qui s’en va. Oui, oui, bonnes gens, je m’en irai. Rêve des jeunes ans, qu’êtes-vous devenu ? Ces lèvres suaves, ces gestes courtois. Cette suavité, cette courtoisie bien française. À peine allemande. Je serai un vieux rabougri, ma peau sera ridée, ma peau sera une écorce, je serai un vieux fourbu, un raccourci de vieux pésan. Exactement paisan, en appuyant sur paî, en écrasant paî d’une seule émis-