Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/308

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dans ce pays-là, (et je pense un peu dans les autres) : Mon homme doit être un peu soûl, à c’t’heure : il parle politique. Ils en parlent quelquefois, rarement, à la maison, et généralement seulement quand ils ont bu un petit verre du bon. Or moi je ne vais pas au cabaret. Quelle ne faut-il pas que soit leur confiance en moi, et notre intimité, pour qu’ils se livrent à cette opération hasardeuse, pour qu’ils me parlent, pour qu’ils osent me parler de Gallouédec à jeun. Non sans une certaine crainte. Et un certain espoir. Je dois savoir. Je dois m’y connaître. À Paris je dois tout de même connaître du grand monde, des députés, tout ça. Ils me demandent si il fera du bien au pays.



Je pensais à vous, Halévy, tout en contemplant les splendeurs de la Foire du Mail, dans cette immense solitude soudaine, dans ce silence que sont quarante-huit heures d’Orléans. Vous allez voir les mêmes. Mais ils ne peuvent pas vous recevoir le même. Vous avez beau faire. Et ils auraient beau faire. Il y a quelque chose. Il y a une paille. Vous pouvez faire que vous les alliez voir les mêmes. Vous ne pouvez pas faire qu’ils vous reçoivent le même. Eux-mêmes ils ne le peuvent pas faire. Vous ne pouvez même pas faire que vous les alliez voir le même. Pour eux vous êtes toujours un monsieur de la ville. Un monsieur qui passe, un monsieur qui vient. Un monsieur qui entre. Qui au fond a bien de la bonté, qui leur fait l’honneur de venir les voir, en passant, qui leur fait bien de l’honneur. Ce que