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son zèle à se chercher lui-même, à être vrai, à se tenir enfin solidement dans sa vérité du fond. Et d’ailleurs, il n’est jamais solitaire. Peu d’hommes ont eu l’âme plus religieuse ou plus sociale, si la société est en effet une religion. Là aussi, il est d’Église : l'assemblée est son lieu, visible ou non. Sa méditation même est de concert avec des amis et des témoins : il compte toujours que sa prière ait des fruits.

Ses vertus font le poids de son style. Loin plongé dans la terre, il est une vérité qui germe, qui veut croître et s’épanouir en arbre, pour faire abri aux hommes et les nourrir. Il lance toutes sortes de racines sans choix, sans ordre, sans répit, les unes fortes et belles, les autres plus frêles ou plus pauvres, d'autres encore inutiles. Mais toutes ont le même élan : elles enveloppent la pensée ; elles l’enlacent ; elles la plient à cette vérité si tenace et si sincère. On se prête volontiers à ce siège lent, à ces assauts patients, à cette obstination. On se laisse entourer : on cède un peu de soi, même si l’on résiste. Et dût-on reprendre bientôt son adhésion aux idées, on donne tout consentement à cette force d’âme et à cette bonté d’homme.


Il répète à satiété : Nous avons été grands, nous voulons avoir été très grands. Il s’est accompli, sur le plan mystique où il s’était placé. Sa fin le dépouille de toute médiocrité : il est nu, devant l’ennemi, vêtu d’honneur et de vérité seulement, de triomphe et de sacrifice.

Être grand : c’est le vœu de toute sa vie. Les saints et les héros ne vivent que pour la gloire. Ils entendent mourir pour vivre à jamais. On ne cherche que la vie