Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/442

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dent, et par suite des nombres cardinaux. Lui-même le sentait bien et quand il rompit la série, on n’eut pas d’autre impression que celle d’une série linéaire qui s’arrête, qui s’interrompt, que l’on interrompt, d’une série arithmétique qui fortuitement s’arrêterait ; que l’on rompt ; d’une série homogène et unilinéaire en un certain sens ; on n’a que l’impression d’une interruption ; on n’a nullement l’impression d’un découronnement ou d’un incouronnement, d’un inachèvement ou d’un désachèvement, d’un organisme qui ne parviendrait point à son achèvement, à son couronnement ; d’un manque ; ou si l’on veut d’un manque en quantité seulement ; nullement d’un manque en qualité, en forme, en achèvement, en chef et en couronne.

Ils ont tous le même mérite. Il eût fait une tragédie comme tant d’autres (tragédies), comme tant d’autres des siennes, après tant d’autres, un chef d’œuvre incontestablement ; comme tant de chefs d’œuvre, après tant de chefs d’œuvre. Une Iphigénie en Tauride. Quoi encore, quel chef d’œuvre, voué d’avance à être un chef d’œuvre. Mais un chef d’œuvre pour ainsi dire en série linéaire homogène de chefs d’œuvre. Un chef d’œuvre sans étonnement. Au fond il faisait toujours la même tragédie, qui était toujours un pur chef d’œuvre, en en variant, en en faisant varier constamment les données (presque arbitrairement et comme intellectuellement, comme on fait varier, à titre d’exercice, les données, d’un problème de géométrie ou d’arithmétique, généralement d’un problème de mathématiques). Une tragédie racinienne est en un sens toujours la même tragédie. Qui est proprement la tragédie racinienne. Ainsi la série de ses tragédies est en un sens comme une