Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/482

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point les sciences. Ils perdent l’art, la philosophie, la morale, la religion, et n’acquièrent point une science, nulle science, aucune science. Ils perdent, je veux dire ils risquent de perdre elles-mêmes, en elles-mêmes, pour elles-mêmes et pour les autres, et ils sont sûrs de perdre eux-mêmes, de n’en plus avoir ; perdunt atque amittunt ; periculo perdunt, re vera sane amittunt. Ils prennent d’ailleurs bien leur temps pour cela. Ils prennent justement leur temps quand les véritables savants, les véritables mathématiciens, les véritables physiciens, les véritables chimistes et biologistes en viennent à reconnaître très heureusement la part capitale, la part originelle, la part primordiale que prennent dans le travail scientifique même, dans l’invention, dans la découverte de science les méthodes d’art, l’intuition, les intuitions, les souplesses d’art, les docilités d’art, les inventions d’art. Parlez-en seulement à un vrai mathématicien, je veux dire à un mathématicien qui ait fait des mathématiques. Au moment même que par un extraordinaire mouvement parallèle toutes les sciences et tous les savants, toutes les quatre grosses sciences, toutes les quatre grosses branches, tous les quatre gros troncs en viennent aux souplesses, aux docilités d’art, aux réalités d’art, ce sont justement ces littéraires qui s’en veulent dispenser, qui s’en veulent priver. Ajoutons qu’ils prétendent, sous le nom de scientifique, à une rigueur que les savants eux-mêmes, que les vrais savants ne connaissent point, qu’ils ne recherchent point, à laquelle ils ne prétendent point. Tout cela pour édifier une science qui n’en est pas une. Pour édifier une science qui n’en est pas une, on a outrepassé. On a outragé. Tenez, en voilà un, un