Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/49

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ce que nous voulons apprendre, ce n’est point les premiers rôles, les grands masques, le grand jeu, les grandes marques, le théâtre et la représentation ; ce que nous voulons savoir c’est ce qu’il y avait derrière, ce qu’il y avait dessous, comment était fait ce peuple de France, enfin ce que nous voulons savoir c’est quel était, en cet âge héroïque, le tissu même du peuple et du parti républicain. Ce que nous voulons faire, c’est bien de l’histologie ethnique. Ce que nous voulons savoir c’est de quel tissu était tissé, tissu ce peuple et ce parti, comment vivait une famille républicaine ordinaire, moyenne pour ainsi dire, obscure, prise au hasard, pour ainsi dire, prise dans le tissu ordinaire, prise et taillée à plein drap, à même le drap, ce qu’on y croyait, ce qu’on y pensait, — ce qu’on y faisait, car c’étaient des hommes d’action, — ce qu’on y écrivait ; comment on s’y mariait, comment on y vivait, de quoi, comment on y élevait les enfants ; — comment on y naissait, d’abord, car on naissait, dans ce temps-là ; — comment on y travaillait ; comment on y parlait ; comment on y écrivait ; et si l’on y faisait des vers quels vers on y faisait ; dans quelle terre enfin, dans quelle terre commune, dans quelle terre ordinaire, sur quel terreau, sur quel terrain, dans quel terroir, sous quels cieux, dans quel climat poussèrent les grands poètes et les grands écrivains. Dans quelle terre de pleine terre poussa cette grande République. Ce que nous voulons savoir, c’est ce que c’était, c’est quel était le tissu même de la bourgeoisie, de la République, du peuple quand la bourgeoisie était grande, quand le peuple était grand, quand les républicains étaient héroïques et que la République avait les mains pures.