Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/510

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plus près du cœur encore et plus près de la pensée par cet éloignement constant, par cet éloignement qui recommence tous les deux ou trois ans ; gardé (intact) par cet éloignement même, par cette occlusion, par cette réclusion à distance, par cette réclusion libre ; qui dans un court séjour à Paris, un an, deux ans, passés comme un jour, demeuriez comme un roi, vous et vos canons, sous-officier demeuriez comme un roi dans notre grand palais de l’École Militaire, à deux pas de nos grandes Invalides ; et quand vous alliez à la manœuvre, par les clairs matins de Paris, levés bien de bonne heure pour des Parisiens, et quand vous en reveniez, à l’heure où nous autres civils ne sommes pas encore descendus du train, quand il y a un train, vos canons de 75, nos grêles canons modernes, si pertinents, un peu trop lourds toutefois pour vos batteries à cheval, pour vos batteries de cavalerie, pour vos batteries volantes, et comme nous le disons familièrement entre nous pour les volantes, vos canons de 75, si grêles, (d’aspect), réellement si solides et si incassables, défilaient respectueusement devant les canons monstrueux ; tous les matins, avant la soupe, dans la fraîcheur de l’aube, ces petits jeunes gens de canons modernes, ces gringalets de canons modernes au corps d’insecte, aux roues comme des pattes d’araignée, serrés à la taille, défilaient sous la gueule des canons monstrueux ; nos gringalets, nos freluquets ; et ces vieux anciens les canons monstrueux à ta porte accroupis, assis sur leur derrière, en rang de canons, alignés encore tout au long du beau terre-plein, derrière le fossé, comme pour une parade éternelle, avaient l’air de commander le défilé. Ils passaient l’inspection.