Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/518

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est décidément détester toute surcharge, c’est atteindre à une délicatesse d’âme qui rejetant les mensonges, si aimables qu’ils se fassent, ne peut goûter que le vrai ; c’est, en un mot, devenir plus honnête.

Quand vous nous reviendrez, mon enfant, vous me demanderez cette petite brochure jaune où l’on a publié cet adieu. Il m’est impossible de vous représenter l’impression qu’elle nous fit ici. C’est une sorte de poème d’une pureté, d’une puissance (d’évocation) sans doute inimitable. Et aussi d’une puissance de réalisation. Un très court poème. Une sorte d’élixir de poème. Un poème en prose d’anthologie d’une pureté parfaite, d’une fidélité, d’une piété, d’un classique, d’une rareté, d’une beauté parfaite, et non pas seulement d’une ordonnance parfaitement harmonieuse, mais d’un ordre même et d’une organisation, d’une régulation parfaite. Un chef d’œuvre, et une œuvre parfaitement harmonieuse. En ces quelques pages une réussite unique. Il est dans les carrières des jours fortunés. Je me le rappelle comme si ce fût d’hier soir. Je n’avais point assisté à la cérémonie. Je n’étais point, vous le savez, un ami de Moréas. Les hommes de ma génération, hélas, le connaissaient déjà peu. Je rentrais le soir. Dans le coin de mon compartiment je commençais de lire le Temps. Quelque respect que nous ayons pour le Temps, vous savez qu’une colonne de journal n’est point toujours ce qui met le mieux en valeur un poème, un discours ; une oraison, un adieu. On ne peut donc pas dire que j’étais surpris, disposé par la typographie, par quelque charme de typographie. Mes yeux couraient. Je tombai sur ces funérailles, sur ce discours. Les jours croissaient, on