Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/58

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chargés de renseigner des gens qui précisément ne veulent pas être renseignés.

Telle est notre ingrate situation.

Nous retournant donc vers les anciens, nous ne pouvons pourtant dire et faire, nous ne pouvons que répéter à ces républicains antécédents : Prenez garde. Vous ne soupçonnez pas, vous ne pouvez pas imaginer à quel point vous n’êtes pas suivis, à quel point nous sommes les derniers, à quel point votre régime se creuse en dedans, se creuse par la base. Vous tenez la tête, naturellement, vous tenez le faîte. Mais toute année qui vient, toute année qui passe vous pousse d’un cran, fait de votre faîte une pointe plus amincie, plus tremblante, plus seulette, plus creusée en dessous. Et déjà dix, quinze, bientôt vingt annuités, annualités de jeunes gens vous manquent à la base.

Vous tenez la pointe, vous tenez le faîte, vous tenez la tête, mais ce n’est qu’une position de temps, une situation comme géographique, historique, temporelle, temporaire, chronologique, chronographique. Ce n’est qu’une situation par le fait de la situation. Ce n’est pas, ce n’est nullement une situation organique. La situation à la pointe, la situation de pointe du bourgeon qui organiquement, végétalement mène l’arbre, tire tout l’arbre à lui. Et par où il a passé tout l’arbre passera.

Je suis épouvanté quand je vois, quand je constate simplement ce que nos anciens ne veulent pas voir, ce qui est l’évidence même, ce qu’il suffit de vouloir bien regarder : combien nos jeunes gens sont devenus