Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/133

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On peut se prêter beaucoup de choses dans l’existence.
Entre soi.
Dans son ménage.
On peut se prêter son âne pour aller au marché.
On peut se prêter son baquet pour faire la lessive.
Et son battoir.
On peut se prêter sa casserole.
Et son chaudron.
Et sa marmite pour faire bouillir la soupe.
Pour les enfants.
Pour toute la maisonnée.
Mais se prêter un sépulcre.
Ce n’est pas ordinaire.
Se prêter son sépulcre.
Son propre tombeau.
Ce vieux lui prêterait donc son sépulcre.
Ce sage vieux.
Ce vieux avisé.
Cet homme riche.
Ce vieil avisé.
Cet homme à la barbe blanche.
Aux cheveux tout blancs.
Ce vieux sage.
Cet homme tout blanc.
Le sépulcre qu’il avait fait faire.
Qu’il s’était fait faire pour lui-même.
Puisque Dieu le père en avait décidé ainsi.
Que les jeunes mouraient souvent avant les vieux.
Et qu’il y avait tant de vieillards qui ne mouraient point.
Et que lui mourait dans la jeunesse maigre de ses trente
et trois ans.