Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/242

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souffrances. La passion de Jésus l’a empli d’un seul coup ; l’a tout empli : l’a empli infiniment ; l’a empli pour éternellement. Et pourtant il attend toujours que nous l’emplissions, voilà ce que n’ont pas compris les docteurs de la terre.

Il y a un trésor des prières, un trésor éternel des prières. La prière de Jésus l’a empli d’un seul coup ; l’a tout empli ; l’a empli infiniment, l’a empli pour éternellement ; cette fois qu’il inventa le Notre Père ; cette fois, cette première fois ; cette unique fois ; la première fois que le Notre Père sortit dans le monde ; la fois, l’unique fois, la première fois que le Notre Père parut sur la face du monde ; prononcé de ces lèvres divines ; éclaira la face de la terre ; sorti de quelles lèvres ; la prière qui devait être ensuite, éternellement ensuite, prononcée tant de fois ; résonner tant de fois sur des lèvres indignes ; la prière qui devait être répétée tant de fois ; résonner tant de fois sur des lèvres humaines ; ensuite éternellement tant de fois ; la prière qui tant de fois devait sonner, devait trembler aux lèvres pécheresses ; tant de fois monter aux lèvres fidèles. Tant de fois chanter ; murmurer. Tant de fois trembler aux chœurs des fidèles, au secret des cœurs.

Quand la prière sortit pour cette fois, pour la première fois, la prière dont nous ne ferons jamais que des échos.

La première fois que le Notre Père sortit sur la face de la terre, sortit dans la création, éclaira la face de la terre ; sortit de lui.

Sortit sur la face du monde, éclaira la face du monde.