Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/336

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Infiniment mystérieuse,
De l’âme et du corps.
Car Dieu n’a pas créé seulement l’âme et le corps.
L’âme immortelle et le corps mortel mais qui ressuscitera.
Mais il a créé aussi, d’une tierce création il a créé
Ce lien mystérieux, ce lien créé,
Cet attachement, cette liaison du corps et de l’âme,
D’un esprit et d’une matière,
De l’immortel et du mortel mais qui ressuscitera
Et l’âme est liée à la boue et à la cendre.
À la boue quand il pleut et à la cendre quand il fait sec.
Et pourtant liée ainsi il faut que l’âme fasse son salut.

Comme un bon cheval de labour, comme une bête loyale et vigoureuse, comme une grosse bête lorraine qui tire la charrue.

De sa vigueur et de sa force il ne faut pas seulement qu’elle se meuve elle-même, qu’elle se tire, qu’elle se traîne elle-même.

Qu’elle se porte sur ses quatre pieds.

Mais de cette même vigueur et force il faut aussi qu’elle meuve et qu’elle tire et qu’elle traîne l’inerte charrue.

Inerte sans elle, qui ne peut pas se mouvoir toute seule, se tirer, se traîner toute seule,

Se mouvoir, se traîner, se tirer sans elle.

Inerte sans elle mais laborieuse avec elle, travailleuse par elle, agissante par elle.

Cette charrue qui derrière elle laboure la terre lorraine.
(Mais qui la laboure à une condition, c’est qu’on la tire).

Comme le cheval de labour, la bonne bête doit non seulement se porter et se mouvoir elle-même,

Sur ses quatre jambes, sur ses quatre pieds,