Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est honteux. C’est affreux. Sa mère à présent en veut au bon Dieu. Sa mère est jalouse du bon Dieu. Sa mère fait des reproches au bon Dieu. Elle reproche au bon Dieu de lui avoir volé sa fille. C’est une impiété, une impiété comme on n’en avait jamais vu. Qui n’a pas de nom. Sa mère a dit ça, que le bon Dieu était un voleur.

Qu’il lui avait volé sa fille.

Une impiété qui n’a pas de nom.

À quoi que ça a abouti, tout ça.

J’aime encore mieux penser à tes deux nourrissons. Le bon Dieu leur enverra peut-être de retrouver, demain, du monde comme toi. Quoique tu as raison. Du monde comme toi, si il y en a, il y en a guère. Si il y en a, il y en a pas beaucoup.

Au revoir. L’appétit aux repas. L’appétit aux prières.

Elle sort.
Jeannette
Un long silence.

Mon Dieu, mon Dieu, qu’est-ce qu’il y a donc ? De tout temps, hélas, dans tous les temps on s’est perdu ; mais depuis quarante ans hélas on ne fait plus que cela, on ne fait plus que de se perdre. Qu’est-ce qu’il y a, mon Dieu, qu’est-ce qu’il y a. Il y en avait encore qui se sauvaient. Il y en avait qui en réchappaient. Mais maintenant, mon Dieu, qui répondrait qu’il y en a qui se sauvent, qui répondrait qu’il y en a quelques-uns seulement, même seulement, même au moins, qui en