Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/82

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La consolation n’a pas consolé Israël ; et elle n’a pas consolé votre chrétienté non plus, ô mon Dieu.

Attendant la consolation d’Israël ; depuis cinquante ans, mon Dieu, depuis quatorze siècles, depuis cinquante ans nous attendons la consolation de votre chrétienté.

Attendant la consolation d’Israël ; du royaume d’Israël ; jusqu’à quand, ô mon Dieu, attendrons-nous la consolation du royaume de France ; la consolation de la grande pitié qui est au royaume de France.

La consolation est venue ; et elle n’a pas consolé assez ; elle n’a pas consolé suffisamment.

Mais lui, ce vieillard, ce vieillard de ce pays-là, on ne sait pas qu’il ait plus rien vu ensuite. Et heureux il ne connut plus aucune histoire. Heureux, le plus heureux de tous, il ne connut plus nulle autre histoire de la terre.

Il pouvait se vanter, celui-là aussi, de s’être trouvé au bon endroit. Il avait tenu, car il avait tenu, dans ses faibles mains, le plus grand dauphin du monde, le fils du plus grand roi ; roi lui-même, le fils du plus grand roi ; roi lui-même Jésus-Christ ; dans ses mains il avait élevé le roi des rois, le plus grand roi du monde, roi par dessus les rois, par dessus tous les rois du monde.

Il avait tenu dans ses mains la plus grande royauté du royaume du monde.

Et il ne connut plus nulle autre histoire de la terre.

Car au soir de sa vie, au soir de sa journée, d’un seul coup, du premier coup il avait connu la plus grande histoire de la terre.

Et aussi la plus grande histoire des cieux.

La plus grande histoire du monde.

La plus grande histoire de jamais.