Page:Peguy oeuvres completes 06.djvu/33

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Je sais le prendre. C’est mon métier. Et cette liberté même est ma création.

On peut lui demander beaucoup de cœur, beaucoup de charité, beaucoup de sacrifice,

Il a beaucoup de foi et beaucoup de charité.

Mais ce qu’on ne peut pas lui demander, sacredié, c’est un peu d’espérance.

Un peu de confiance, quoi, un peu de détente,
Un peu de remise, un peu d’abandonnement dans mes mains,
Un peu de désistement. Il se raidit tout le temps.

Or toi, ma fille la nuit, tu réussis, quelquefois, tu obtiens quelquefois cela

De l’homme rebelle.
Qu’il consente, ce monsieur, qu’il se rende un peu à moi.
Qu’il détende un peu ses pauvres membres las sur un lit de repos.
Qu’il détende un peu sur un lit de repos son cœur endolori.

Que sa tête surtout ne marche plus. Elle ne marche que trop, sa tête. Et il croit que c’est du travail, que sa tête marche comme ça.

Et ses pensées, non, pour ce qu’il appelle ses pensées.

Que ses idées ne marchent plus et ne se battent plus dans sa tête et ne grelottent plus comme des grains de calebasse.

Comme un grelot dans une courge vide.
Quand on voit ce que c’est, que ce qu’il appelle ses idées.
Pauvre être. Je n’aime pas, dit Dieu, l’homme qui ne dort pas.