Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/200

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ŒUVRES POSTHUMES qu'ils font appel au jugement de la postérité, au tribu- nal de la postérité. C'est toujours la justification filiale, contre-partie nécessaire et complémentation de ce que nous avons nommé il y a quelque dix ans la malédic- tion et la réprobation filiale, la malédiction remontante. En somme ce sont des pères qui font appel au jugement de leurs fils, qui n'ont qu'une pensée : comparaître, se citer eux-mêmes au tribunal de leurs fils. Comment le nier, dit-elle, j'avoue qu'il y a là une pensée très grave, et très profonde, et très pieuse, une pensée très pauvre, très humble, une pensée très misérable et très touchante : que le jour d'aujourd'hui, si pauvre, fasse appel au pauvre jour de demain; que l'année d'aujour- d'hui, si misérable, que l'année de cette fois, que Tan- née d'à présent, si débile, fasse appel à la misérable année de demain ; que ces misères fassent appel à ces misères; et ces débilités à ces débilités ; et ces humilités à ces humilités ; et ces humanités à ces humanités.

C'est encore un mystère de noire jeune Espérance, Péguy, dit-elle, et certainement l'un des plus touchants et des plus merveilleux. S'il est vrai que nulle charité n'est aussi merveilleuse que celle qui vient d'un misé- rable et qui va vers un autre misérable, que celle qui s'exerce d'un misérable à un autre misérable, que celle qui passe d'un misérable à un autre misérable, que celle qui d'un misérable veille et plane et descend sur un autre misérable, pareillement, dit-elle, je dis, paral- lèlement je dis que nulle espérance n'est aussi touchante, aussi grave, aussi belle ; aussi merveilleuse, aussi pieuse ;

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