Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/27

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liniennes. C'était plus correct et plus exact, seul par- faitement correct et parfaitement exact, seul parfait, seul harmonieux. J'ai appris depuis, comme histoire, j'ai connu tous ces odieux abus, ces abominables excès des populations dionysiennes ; j'y suis bien forcée, comme histoire ; je suis bien forcée de tout savoir ; c'est mon métier. Ce n'est pas gai. Mais comme Muse, comme la première et l'aînée des Muses, fille de ma mère Mémoire, j'en ai horreur. Ces rites orgiaques, ces barbares cérémonies dionysiaques, venues de quel Orient, me donnèrent la nausée ; longtemps ; aujour- d'hui encore, d'y penser, elles me donnent le frisson ; elles font des consonances et des rimes barbares, qui me crèvent encore le tympan; des désinences dures; des complications de syllabes bizarres. Votre Dieu vint, qui nous mit rapidement et pour éternellement d'accord. Tous les matins elles allaient à l'école chez notre oncle Apollon. Nous l'appelions notre oncle, parce que c'est plus sérieux. Je leur mettais leur manger pour midi dans leur petit panier : un morceau de gâteau de farine de froment (parce qu'enfin elles étaient déesses et il faut tout de même respecter les rangs), (ce que vous nommez aujourd'hui dupain blanc, du pain de ménage, du pain de fantaisie); un carré de fromage sec, de fro- mage de bouc, c'est-à-dire, comme vous l'entendez, d'un fromage de chèvre très dur; mais elles avaient de belles dents, les petites coquines; quelquefois, pour se partager à elles toutes, un petit cuissot rôti de che- vreuil, une aile de poule faisane, un petit gigot

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