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ŒUVRES POSTHUMES

l'autre Exposition Universelle), et qu'il y a, comme on dit, des survivants. Ce mot même de survivants devrait vous mettre en garde, dit-elle. Ils ne vivent pas, ils survivent. Vous malin, pour aller à la source, à la célèbre source, vous vous transportez chez les survi- vants, vous recueillez les témoicj nages des survivants. Or vous n'allez point du tout à la source, mon garçon, vous vous rendez toujours aux mômes canalisations historiques.

Observez ce qui se passe quand vous demandez à un veillard un ou des renseignements de son jeune âge, une référence de son jeune temps. Il se fait instanta- nément historien.

Il ne vous donne pas des nouvelles de son jeune temps ; il vous en fait un récit. A peine l'avez-vous abordé, il se raidit, il se gourme, il se fait solennel, (au moins en dedans, sous une feinte, sous une apparente bonhomie), il va lever la main et prêter le serment de justice. N'est-il point à la barre en effet et ne compa- raît-il point devant le tribunal de l'histoire.

Vous demandez à un homme ce que vous nommez un peu à tort et à travers une histoire de sa jeunesse. Mais tout homme pense aussitôt ce que Hugo a écrit une fois pour tout le monde ; et vous voyez, dit-elle, que ce n'est point par hasard que nous sommes en cette matière incessamment reconduits sur Hugo :

Ce siècle est à la barre et je suis son témoin.

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