Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rés de scrupules, bourrés de remords, que nous ne lisons plus jamais que pour travailler; quand nous sommes malades, et alors seulement, et seulement de ces sortes de maladies, qui laissent la tête libre et saine, et cependant forcent à garder le lit, et interdisent formellement de travailler, alors par exception, par une sorte de respect, imposé, temporairement, par une sorte de trêve, provisoirement (au lieu qu’il faudrait que ce fût essentiellement) nous redevenons momentanément ce qu’il ne faudrait jamais cesser d’être, des lecteurs; des lecteurs purs, qui lisent pour lire, non pour s’instruire, non pour travailler; de purs lecteurs, comme il faut à la tragédie et à la comédie de purs spectateurs, comme il faut à la statuaire de purs spectateurs, qui d’une part sachent lire et d’autre part qui veuillent lire, qui enfin tout uniment lisent ; et lisent tout uniment; des hommes qui regardent une œuvre tout uniment pour la voir et la recevoir, qui lisent une œuvre tout uniment pour la lire et la recevoir, pour s’en alimenter, pour s’en nourrir, comme d’un aliment précieux, pour s’en faire croître, pour s’en faire valoir, intérieurement, organiquement, nullement pour travailler avec, pour s’en faire valoir, socialement, dans le siècle ; des hommes aussi, des hommes enfin qui sachent lire, et ce que c’est que lire, c’est-à-dire que c’est entrer dans ; dans quoi, mon ami; dans une œuvre, dans la lecture d’une œuvre, dans une vie, dans la contemplation d’une vie, avec amitié, avec fidélité, avec même une sorte de complaisance indispensable, non seulement avec sym-