Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C L I

loi écrite, maislaloi de récriture et de l'inscription même. Ainsi des jouvencelles, ainsi des petites filles naissent et croissent innocentes, et elles portent dans leur sein les tares ancestrales : ainsi et non autrement, haud secus, nous croissions innocentes, et déjà je portais en mon sein le secret du mal qui me ronge. Ou la mala- die, ou la mort : tous vous n'avez plus qu'à choisir. Et toute la création aussi naissait et croissait innocente. Toute la création autour de nous, ensemble avec nous, ainsi comme nous. Mais tout ainsi comme nous toute mal saine aussi en dedans; car l'éternité seule est saine et pure. Ainsi l'œuvre et l'auteur choisira : ou de ris- quer d'être avilie, d'être tripotée aux mains les plus grossières, d'être tripatouillée aux pires mains, comme de la copie d'auteur aux mains de votre grand ami M. Ernest Lavisse, ou de risquer pire encore, de ris- quer le risque suprême : de ne plus recevoir même ces grossières et ces avilissantes caresses, c'est-à-dire d'être morte. Ou l'avilissement, cette sorte, particu- lière, cet ordre, cette classe pour ainsi dire d'avilisse- ment, ou la mort. Ou l'avilissement, cette mort, ou la mort, cet avilissement ; suprême, ce comble de l'avilis- sement, cette limite, cet avilissement accompli, cette vilitude. Ou l'avilissement, l'injure perpétuelle, cette incompréhension, cette inintelligence, le risque de cet avilissement ; ou en être réduit à ceci : regretter cet avilissement même, et le risque de cet avilissement, regretter de n'être plus avilie. Un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort. Quel risque effrayant pour

43

�� �