Page:Pellerin - Le Bouquet inutile, 1923.djvu/43

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Mais, au jardin je sais qu’elle se doit
Aussi la femme douce et que l’ombre du toit,
La montagne, la nuit attendent sa venue,
Je sais qu’elle est craintive et qu’elle est toute nue
Et que ses bras croisés s’entrouvent au désir…
Mais elle ne vient pas… Voudrais-tu la saisir ?
Es-tu, quand vient le soir, celui qui court, s’embusque
Et montre, sur le mur lassé de la lambrusque,
Une face guetteuse au sourire lippu ?

Non. C’est le beau verger que tu hantes, repu
De ciel et de lait gras. Je te donne les arbres.
Et ce geste de rapt que fixent les vieux marbres
Lance-les vers la branche où l’abricot mûrit
Et laisse-la venir… Une lune sourit,
Toute bonne et rustique, au lit, à mon angoisse…
Un pas hésite au seuil… Et de tes mains que poisse
La résine juteuse au creux de l’arbre tors
Cache ton front cornu, ta barbe courte et dors.