Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/133

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mune. Je ne parle pas non plus de ceux qui refusaient de marcher. Ceux-là, leur compte était réglé, un de mes amis, ancien sous-officier de l’armée régulière, qui a pris part à la conquête de Paris, me fournit le détail suivant dont il a été témoin : trois soldats, dont la famille habitait les Batignolles, demandaient à ne point être employés à la prise de ce quartier, pour ne pas être exposés à tuer des parents ou des amis. On leur épargna cette douleur, car ils furent passés par les armes, rue Saussure.

Dans le massacre plein de sinistres hasards de la semaine de Mai, on exécuta jusqu’à des soldats qui avaient fait de leur mieux contre les communards ! À Bercy un soldat est blessé. Son capitaine, M. G…, le laisse chez un habitant. La compagnie s’éloigne : un nouveau bataillon arrive, découvre le blessé ; c’était un Bas-Breton, il parlait fort mal le français : il ne peut pas s’expliquer. En vain les habitants de la maison font leur possible pour le sauver. Le commandant, croyant avoir affaire à un déserteur, lui décharge son revolver dans la tête.

Le capitaine G… revint le lendemain ; il apprit comment son blessé avait été soigné : c’est lui-même qui a raconté le fait à la personne dont je le tiens.

Un officier de l’armée, qui est arrivé à Paris (à peine guéri d’une blessure reçue à Metz) aussitôt après la semaine de Mai, me cite d’autres exemples analogues.

Un de ses amis, sergent-major dans un régiment de Paris, était arrivé le 27 ou 28 mai dans la rue habitée par sa famille. Sa compagnie eut là une barricade à enlever. La rue conquise, ce jeune homme demanda à son capitaine la permission de monter chez ses parents. Il trouva son père, sa mère, sa sœur, un frère, une tante en deuil. On n’avait plus de ses nouvelles depuis