époque. On était fusillé pour un flacon d’huile ou un rat de cave ; on était fusillé parce qu’on était pompier ; on était fusillé parce qu’on portait un vêtement d’uniforme ; on était fusillé pour un mot ou pour un soupçon ; et cela, non pas dans l’entraînement du combat, mais au milieu des quartiers pacifiés et occupés depuis deux ou trois jours par l’armée.
On devine l’état violent produit par un tel massacre. La plupart, terrifiés, se taisaient. Mais il y a des natures excitables, que la colère emporte. Il se trouvait des hommes, des femmes surtout, pour insulter les vainqueurs dans un transport de rage aveugle. La réponse ne se faisait pas attendre : exemple le fait rapporté par la Politique du 31 mai :
« Rue de Bretagne, une femme passait près d’un groupe de soldats. Elle se mit à les apostropher violemment, les traitant d’assassins. L’officier qui commandait le poste tire son sabre et laboure la figure de la mégère ; elle a été achevée à coups de baïonnette. »
J’ai parlé des prétendus pétroleurs ; il ne faut pas oublier les prétendues empoisonneuses.
Un instant avant l’entrée dans Paris, les troupes, on le sait, avaient été averties de se garantir contre les « scélérats » qui composaient la population de la capitale. Je tiens d’un sous-officier de marine, qu’au moment de les conduire à la porte de Saint-Cloud, l’officier commandant les marins leur avait conté l’histoire médiocrement authentique d’un des leurs, pris par les fédérés, et pendu par les pieds jusqu’à ce que mort s’en suivît. C’est par de pareils racontars que le massacre s’explique. On avait chargé les fusils avec des légendes féroces. Combien de fois n’avons-nous pas entendu des hommes qui avaient pris part au massacre, déplorer qu’on les eût trompés pour les rendre impitoyables !