dans le rang et d’avancer. Quand je fus près du soupirail, j’observai que cette vapeur fétide dont nous étions enveloppés, se condensant au contact de l’air libre, retombait en eau sur la paroi du mur, coupé en biseau à cette place : les malheureux s’en approchaient et y collaient leurs lèvres avides.
» La soif était pour tous, en effet, une horrible torture, je commençai bientôt moi-même à la ressentir ; pour la calmer, j’appliquai sur ma langue desséchée la cuvette de ma montre ; triste soulagement au tourment que j’endurais et bien inefficace en vérité. »
On faisait un triage parmi les prisonniers.
Le Siècle du 30 mai dit au sujet de la cour martiale du Luxembourg :
« Tout accusé subit un interrogatoire sommaire, après lequel le président prononce la sentence. Si le coupable est déclaré ordinaire, il est dirigé sur Satory ; si, au contraire, il est déclaré classé, on l’amène dans une salle voisine où il lui est permis de s’entretenir quelques minutes avec un prêtre avant d’être exécuté. »
Ordinaire, — classé, il y a une sorte de pudeur ou d’hypocrisie dans ces expressions détournées pour signifier la prison ou la mort. Nous retrouverons ailleurs, notamment au Châtelet, des euphémismes analogues. — Ces tueries organisées régulièrement se cachaient. Paris les connaissait à peine ; l’autorité militaire n’a rien négligé pour en étouffer le souvenir. J’ai déjà dit avec quel soin elle feignait d’ignorer le nom des victimes. Est-il étonnant qu’elle évitât aussi le nom des peines qu’elle prononçait ?
Mais il n’était pas même besoin de comparaître devant la cour martiale pour être « classé ». Chose étrange ! le tribunal sommaire se doublait d’une boucherie plus