compte ; du reste la notoriété attachée à votre nom suffirait à nous convaincre. Vous êtes l’un des chefs du socialisme et un homme des plus dangereux ; ces gens-là on s’en débarrasse. Avez-vous quelque chose à ajouter à votre défense ?
» L’accusé leva les yeux, surpris, il fit un geste négatif. »
J’ajoute un détail à ce récit, si dramatique et si juste. Il y avait sur la table du tribunal la délation du docteur M…s, sur les prétendues bonbonnes de pétrole.
« Il y eut une courte délibération ; le président se leva, et d’une voix ou perça l’émotion :
» — Monsieur, fit-il solennellement, vous êtes condamné à être passé par les armes ; il vous sera donné signification du jugement.
» J’avais oublié, en cet instant, ma propre situation, et, plein de pitié et d’angoisse, le cœur oppressé au point de se rompre ; je regardais de tous mes yeux cet homme qui allait mourir.
» Son visage était contracté, et le tic nerveux que j’ai déjà signalé avait reparu. Ce fut cependant d’un accent contenu qu’il reprit la parole :
» — Messieurs, en mourant, je laisserai une compagne, une femme. Me sera-t-il permis avant ma mort, de régulariser ma situation vis-à-vis d’elle et devant la loi ?
» Il fit une pause ; puis, avec un léger tremblement dans la voix et un léger effort pour cacher son trouble, il ajouta :
» — Messieurs, j’y tiendrais beaucoup.
» — Si cela est possible, dit le président, soyez certain que cela sera fait : maintenant retirez-vous. »
Tony-Moilin alla s’asseoir sur un banc réservé, placé dans un coin de la salle : le banc des isolés.
Au bout d’un instant, le président apercevait M. Ulysse