condamner. Elle siégeait jour et nuit. Comment calculer le chiffre des morts ? On est modéré en affirmant qu’il faut les compter par centaines. D’après un propos qui m’a été rapporté, on se serait vanté d’en avoir fusillé là deux ou trois mille. C’est le chiffre qui fut indiqué à la porte de la caserne, à un témoin qui m’écrit : « Là, j’ai entendu dire à un monsieur décoré qu’on en avait fusillé au moins trois mille. » Il y avait des pièces et des listes au Luxembourg ; j’ignore s’il y en avait au Châtelet. À coup sûr, comme on le verra plus tard, l’autorité militaire, dans la suite, a toujours prétendu n’avoir aucun moyen de retrouver le nom d’aucune victime. Était-elle sincère, ou voulait-elle empêcher qu’on n’apprît le plus léger détail sur les victimes du Châtelet ? C’est ce qu’il est encore aujourd’hui impossible de savoir.
Un homme a laissé son nom attaché à la cour martiale du Châtelet : le colonel de la garde nationale Vabre.
M. Vabre est un ancien sous-officier de l’armée ; il donna sa démission de bonne heure et s’établit marchand de charbon, route d’Asnières, au coin du pont. On dit que ses affaires prospérèrent et qu’il avait amassé quelque bien quand arriva le 4 septembre.
Quand on constitua la garde nationale, il se fit élire chef d’un bataillon à Clichy, le 34e. Au 31 octobre, il accourut à l’Hôtel-de-Ville, et sut si bien se faire valoir par l’ardeur de son zèle, qu’il se fît nommer commandant de l’Hôtel-de-Ville. On m’assure que c’est le général Ducrot qui le recommanda ; il était digne de cette recommandation. C’est ainsi qu’il devint colonel.
Ceux qui ont connu l’Hôtel-de-Ville à la fin du siège, se rappellent le colonel Vabre comme un des hommes qui semblaient le plus impatients, au temps de la guerre