l’avenue de l’Impératrice, l’ordre de faire halte fut donné.
» Là, fatigués, les pieds ensanglantés, beaucoup tombaient sur le sol, attendant la mort qui, nous en étions convaincus, devait être proche…
» Je passai plus d’une heure en proie à mes réflexions découragées, jusqu’à ce qu’un « levez-vous tous » vînt rompre le cours de mes tristes méditations.
» Nous nous levâmes et reprîmes nos rangs.
» À ce moment, le général marquis de Gallifet passait lentement devant nous, escorté par plusieurs officiers. Il s’arrêtait ici et là, faisant un choix parmi nous, prenant de préférence les vieillards et les blessés ; il ordonna de les faire sortir de nos rangs.
» — Sors des rangs, toi, vieux coquin ! Et toi, par ici, tu es blessé ; eh bien ! nous te soignerons, disait-il vivement et d’un ton décisif. (Les paroles de M. de Gallifet sont en français dans le texte anglais.)
» Un jeune homme de la file voisine qui agitait un papier, appela le général. « Mon général je suis Américain, voilà mon passeport ; je suis innocent. »
» — Tais-toi, nous avons bien assez d’étrangers et de canailles ici ; il faut nous en débarrasser, dit le général en continuant sa route.
» Nous nous remîmes en marche dans le même ordre, excepté que nous fûmes obligés de marcher bras dessus, bras dessous, jusqu’au bois de Boulogne où on nous arrêta de nouveau.
» Nous ne tardâmes pas à être éclairés sur le sort de ceux qui avaient été extraits de nos rangs par le général de Gallifet à notre dernière halte. Ils furent tous fusillés sous nos yeux, les vieillards et les blessés ensemble, au nombre de plus de quatre-vingts, je crois. »