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Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/349

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relation que cite M. Lissagaray n’ont rien d’exagéré.

L’auteur de cette relation, rentré chez lui le samedi soir, sortait fort tranquillement le dimanche matin pour aller à ses affaires, quand, boulevard du Prince-Eugène, il fut compris dans une razzia. On le conduisit à la Roquette. Un chef de bataillon se tenait à l’entrée, toisait les arrivants, puis disait : « À droite !… à gauche ! »

« Je fus envoyé à gauche, continue la relation, — les soldats me disent : Votre affaire est dans le sac. On va vous fusiller, canailles. »

On a reconnu le procédé du Châtelet et de Mazas : « À gauche, à droite ! » C’est ainsi que les jugements se rendaient alors.

Voilà les condamnés en route pour la fusillade. Le narrateur se trouvait le dernier à côté du sergent qui conduisait le troupeau à l’abattoir. Le sergent le regarda : « Qui êtes-vous ? — Je suis professeur. On m’a pris ce matin sortant de chez moi. — Avez-vous des papiers ? — Oui. — Venez. » Le sergent le ramena au chef du bataillon. « — Mon commandant, il y a erreur, ce jeune homme a ses papiers. — Eh bien ! à droite ! » — Et les voilà en route vers la porte. Chemin faisant le brave sous-officier expliquait au professeur que ceux qui passaient à gauche étaient fusillés. Ils étaient au seuil de la porte, quand un soldat courut à eux : « Sergent, le commandant vous fait dire de reconduire cet homme à gauche. »

Le malheureux professeur eut un mouvement de désespoir. « Fusillez-moi, dit-il » ; seulement, il pria le sous-officier de remettre ces papiers à sa famille. Puis il alla du côté où l’on l’envoyait. Il voyait déjà une longue file de condamnés contre un mur et des cadavres à terre, trois prêtres devant eux, lisant la prière des ago-