Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/55

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y a une heure. » On peut retarder la date d’une nouvelle, une fois qu’elle est connue ; mais, à moins d’avoir le don de seconde vue, on ne peut pas la donner avant que le fait qu’elle annonce se soit produit. C’est donc bien le mardi 23 mai que le prétendu Billioray a été fusillé.

Revenons à l’enquête sur le 18 mars :

« Un membre. — Comment a fini Billioray ?

» M. le capitaine Garcin. — Billioray a été arrêté en premier lieu : c’était le joueur de vielle. Il venait de donner un coup de couteau à un homme ; il avait blessé un soldat et reçu un coup de baïonnette. C’était devant l’École militaire ; il y avait une très grande excitation chez les soldats en voyant leur camarade blessé. On chercha à arrêter Billioray ; il se défendait, il écumait de rage. On a à peine eu le temps de l’interroger. Au dernier moment, il n’a rien voulu dire. »

Le lecteur remarque l’incohérence de ce récit, et l’effort visible du témoin pour esquiver ses côtés scabreux : si Billioray écumait de rage, et si, de rage aussi, on l’a achevé si vite « qu’on a eu à peine le temps de l’interroger », comment peut-on ajouter qu’« au dernier moment » il n’a rien voulu dire ?

Mais, au début de la même déposition, M. Garcin a déjà raconté le même fait d’une façon un peu différente (Enquête parlementaire, p. 234) :

« M. Flôtard. — Est-ce qu’ils ont été tous fusillés ?

» M. Garcin. — Non, on a fusillé Millière, Tony Moilin, Billioray.

» Billioray a d’abord cherché à nier son identité. Il y avait une grande exaspération de la foule, il avait voulu se jeter sur un soldat, c’était un homme d’une force athlétique. On l’a soustrait à la fureur de la foule, et j’ai essayé de le faire parler. Il a commencé une his-