Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/68

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un de la bande… allons marche. » Et de l’empoigner et de l’entraîner. « Laissez-moi au moins le temps d’embrasser ma mère », criait le malheureux.

Son frère, tout en larmes, avait suivi les soldats, se jetait sur eux, les suppliait ; cet enfant les aurait peut-être fléchis si quatre autres n’étaient survenus. Comme il s’attachait désespérément aux chasseurs, on le repoussa d’un mot terrible. — Il eut un mouvement en arrière, puis poussa un cri déchirant : les fusils partaient, et son frère frappé à mort tombait sur le ventre.

Peu après, on arrêtait le père et le frère aîné du fusillé. Ils ont passé quatre mois sur les pontons. La mère restait, et faillit devenir folle.

On aurait pu lui répéter ces vers des Châtiments :

Vous ne comprenez pas, mère, la politique.

Je sens qu’après un récit d’une telle horreur, il faut préciser les sources auxquelles on le puise. J’ai sous les yeux :

1o La relation du fait écrite par un de nos amis et collaborateurs qui ajoute : « Je tiens ces détails de la bouche même de la mère de la victime. »

2o Une autre relation écrite, avec cette mention : Renseignements fournis par madame V…, belle-mère des frères Veau ;

3o La lettre d’un jeune camarade d’Émile B…, qui fut témoin de l’exécution, — lettre écrite à M. Clemenceau à la date du 14 janvier 1872, alors que le député de Montmartre tâchait d’obtenir la mise en liberté du père d’Émile B…