Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/72

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fédérés revenaient vainqueurs de Belleville. C’étaient tout simplement quelques gardes nationaux qui gravissaient le versant nord, cherchant à déboucher du côté du moulin. Pris entre deux feux, ils furent vite tués. La ligne revient : on annonce encore une perquisition ; un ordre arrive, la troupe part avant d’avoir exécuté la menace.

» D’autres soldats la remplacent : ceux-là violents, emportés, montent dans les chambres, enfoncent les portes, brisent les meubles. Quelques-uns insultaient, menaçaient. D’autres nous disaient tout bas : « Nous ne sommes pas venus ici de notre gré : nous voudrions ne pas être ici. » Nous n’avions pas mangé de la journée. Nous étions entassés, je ne sais pas combien, dans une petite chambre. La nuit fut affreuse. Un de nous avait un chien qui ne cessait d’aboyer. De temps à autre, un soldat venait donner des coups de crosse dans la porte, disant qu’il nous ferait bien taire. J’essayai d’étrangler le chien : il hurlait plus fort. On nous fait descendre à deux dans la cour : cette fois, on arme les fusils. Je crus ma dernière heure arrivée. Un officier survint, qui nous sauva. Nous en fûmes quittes pour la peur et quelques coups de crosse.

» Le lendemain, même scène ; toujours des détachements qui se succédaient : toujours un danger nouveau à chaque nouvelle troupe. Nous mourions de faim ; une femme alla chercher à manger pour tous. Elle fut rudoyée, insultée parce qu’elle avait un canezou rouge. Elle rentra épouvantée : toutes les rues étaient pleines de cadavres. Elle nous engagea à nous cacher : on dénonçait dans tout le quartier.

» Dans l’après-midi, mon père me fit porter un billet pour m’engager à reprendre mon poste à la mairie. Il était plus dangereux de se cacher que de se montrer. À