Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/172

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du Dieu vivant, active comme lui, créatrice comme lui, dans l’ordre du moins de notre destinée. L’homme a t-il reçu, le jour de la création, une âme achevée et irrévocablement fixée au même nombre d’attributions et d’idées ? Vous ne le pensez pas assurément. Puisque l’âme infinie par essence attire sans cesse à elle dans son expansion infinie de nouvelles connaissances et de nouveaux instruments de connaissances, elle déplace donc infatigablement la proportion primitive entre elle et le corps, et à chaque pas qu’elle fait dans la science, à chaque vérité qu’elle acquiert, elle prend sur le corps la puissance de cette science et de cette vérité. Cet à priori posé, nous allons en tirer la conséquence.

Du moment que le corps avait atteint du premier jour son plein développement, l’homme a dû vivre exclusivement, a dû agir, abonder dans le sens du corps, le seul mode de son être alors à sa portée, appeler vertu la force du corps, beauté l’élégance du corps, gloire la supériorité du coup de lance ou du jarret. Il met alors sa destinée à manger, à boire, à tenir quelque Briséis gémissante courbée sous sa main de fer, et à enlever la vigne, le trésor, le champ ou le bétail du voisin, pour doubler le nombre de coupes, de plats, de captives ou de voluptés à ses festins. La gloutonnerie homérique, l’orgie, la débauche, la violence, la cruauté, la rapine, alternées ou simultanées, forment, à proprement parler, toute la trame et toute la broderie de son existence. Le héros, c’est-à-dire l’homme élevé à